Serre les poings
Tu ne t’aimes pas, tu sais pourquoi. Tu ne le dis pas mais tu sais pourquoi. Tu n’as pas le choix, tu cohabites avec toi. Le père, la mère n’ont jamais su quoi faire. Un fils qui s’enferme, se ferme, regard bleu terne, rictus insolent, être indolent. Comme un garçon nonchalant, comme un étudiant au printemps, comme un personnage de roman. Vivre comme tu aurais dû, crois-tu. Morceaux éclatés d’un cerveau déglingué. Cassé rafistolé, sale au propre comme au figuré, tu sais.
Celui que tu n’aimes pas. Celui qu’on ne voyait pas et c’était bien comme ça. À table, soupe ou poulet, légumes mal préparés, tarte décongelée. La moto du père, les bagues de la mère. La télé qui crie, les livres honnis, quasi-bannis. Et les bagues, sur cette joue, toujours la même joue. Tu t’es souvent demandé si c’était lié avec tes problèmes sébacés.
Les bagues ou les livres ? Lesquels ? Lesquels t’ont le plus appris ? Ne réponds pas, ne reste pas là. Ferme les yeux, serre les poings, bouche-toi les oreilles et serre les poings. Pieds au dossier, fessier au bord du canapé. Serre les poings. Ne jamais omettre de créer le précipice avant de danser au bord de la piste. Penche-toi, serre les poings, regarde en bas. Enivré. Tu peux sauter.